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Writer's pictureChristian Jacot-Descombes

Pourquoi le MONA déclasse tous les autres musées du monde

Updated: Aug 11, 2020



« Le MONA est l'une des expériences les plus fascinantes et les plus satisfaisantes que j'aie jamais vécues dans un musée ». Au-delà des superlatifs, le mot à retenir de cet aveu de l’ancien curateur du Metropolitan Museum de NYC est « expérience ». En effet, le Museum of Old and New Art ne se visite pas, il se vit. Il s’expérimente. On en ressort ébranlé, intrigué, retourné, choqué (pour certains) et éclairé, tout à la fois.

 

Les plus mystérieuses aventures débutent souvent dans un bar, dit-on. Celui-ci attend le visiteur à l’entrée des galeries.





Situé en périphérie de la ville de Hobart en Tasmanie, le MONA s’aborde par la mer, en bateau. Une presqu’île dont on ne devine pas, à prime abord, qu’elle recèle un immense espace dédié à l’art, à la beauté, à la mort, au sexe et au plaisir des sens. Débarquant, le visiteur découvre d’abord un bunker intitulé «The Life of C.B.». C.B. pour Christian Bolanski, l’artiste français. On y voit en vidéo et en direct l’intérieur de son atelier. Cette transmission en direct qui durera jusqu’à la mort de l’artiste est l’œuvre elle-même. Elle fait partie de la collection du MONA. Après une volée d’escaliers, on débouche sur un… court de tennis, puis, dans une perspective de miroirs, l’entrée du musée.



 Ecriture liquide et fugace. «bit.fall» de Julius Popp reproduit en gouttes d’eau les mots les plus recherchés sur Google.


Là commence alors une exploration inédite et passionnante. Une descente dans l’inconnu, littéralement : la première galerie est à 20 mètres sous la surface et s’ouvre sur 6’000 mètres carrés qui ont nécessité l’excavation de 60'000 tonnes de roches. Un parcours jalonné d’œuvres de toutes sortes, de toutes tailles qui évoquent sans cesse un sentiment de « jamais vu ». Après avoir passé l’un des bars – oui, on est en Australie où jamais rien ne se passe loin d’un bar – on ne tarde pas à découvrir « Snake » (photo de tête) œuvre monumentale de la taille d’une piscine olympique signée Sydney Nolan et constituée de 1620 peintures uniques. Cette œuvre a servi de base à la conception du musée.


 

TIM expose le tatouage de Wim Delvoye cinq heures par jour, 6 jours sur 7.





Ensuite, on remarque une série de sculptures de 151 vulves alignées sur un mur par Greg Taylor, une momie égyptienne et la fameuse machine « Cloaca » de Wim Delvoye qui produit de la matière fécale tous les jours à 16 heures. Plus loin, TIM (Steiner) l’artiste zurichois expose in vivo une œuvre du même Wim Delvoye tatouée dans son dos. Il a déjà passé, en deux expositions différentes, plus de 3’500 heures assis au cœur du MONA. La peau de son dos reviendra au propriétaire de l’œuvre (un collectionneur allemand) après sa mort.



« Cloaca » reproduit le système digestif humain.



David Walsh, joueur de génie

Tout au MONA est un hymne à la création et au génie. Celui de David Walsh, son concepteur en premier lieu. Un génie en mathématiques, un brin Asperger, et surtout très affûté en matière de probabilités. Ce don, David Walsh l’a transformé en cash machine, puisqu’il a mis au point plusieurs systèmes qui lui ont permis de constituer une fortune considérable en… jouant au Black Jack et en pariant dans les courses de chevaux. Oui, le concepteur et propriétaire du musée le plus extravagant au monde est un joueur professionnel !


 

David Walsh, un joueur qui gagne plus souvent qu'il ne perd (photo: MONA)


Né à Hobart, qui est alors une des régions les plus pauvres d’Australie, il passe une enfance suffisamment difficile pour qu’une fois adulte – et riche – il prenne sa revanche sur le destin en inventant ce musée et en le construisant en face du quartier de sa jeunesse. Le personnage est haut en couleur. Après ses études et pour pouvoir travailler au développement de ses martingales (on dit algorithme aujourd’hui), il occupe de petits jobs. Notamment au service des impôts où il signe le contrat d’engagement « Jesus Christ ». Personne ne remarque, se souvient-il. On y salue son dévouement au service public car il porte toujours un costume… obligatoire, en fait, pour entrer au Casino où il passe ses nuits. Il efface le contentieux fiscal d’une mère célibataire endettée : personne ne remarque. Enfin, il quitte son travail et reste au casino pendant trois semaines : personne ne remarque… On notera que le fisc tentera une revanche bien des années plus tard en lui présentant un redressement de plusieurs centaines de millions qui a mis l’existence du musée en péril. L’affaire s’est arrangée en secret. L’origine de son intérêt pour l’art est également liée au jeu. Après avoir beaucoup gagné en Afrique du Sud, il se voit interdit de sortir plus d’argent qu’il n’y en a entré. Il achète donc une pièce antique – une porte de palace Yoruba – qui marque le début de sa collection. Quelques années plus tard, sa collection personnelle est estimée à près de USD 100 millions.



Le MONA situe les œuvres de manière à amplifier leur sens: la Maison Blanche de Ai Weiwei, un dissident du régime communiste chinois, recueille les visiteurs qui sortent de l'enfer de la « Divine Comédie » d’Alfredo Jarr







Un lieu de jouissive provocation

David Walsh répète souvent qu’il n’est pas très intéressé par l’argent, raison pour laquelle il a sans doute investi le reste de sa fortune dans la construction du MONA. Plus que de laisser une trace, ou encore d’offrir à la Tasmanie un monument (qui a décuplé l’attractivité de l’île), l’idée était de dépasser ce qui existait jusque-là en matière de musée. D’en faire un lieu de doute, de questionnement et dont le destin dépend d’une vision individuelle et non d’un comité, où il ne s’agit pas de célébrer la grandeur d’une nation ou d’une ville. Un lieu de jouissive provocation, sans doxa, affranchie de l’obligation d’éduquer : les cartels sont remplacés par une app drôle et truculente. «Bilbao du Sud» ou « Getty des antipodes », comme on le surnomme souvent, sont certes des compliments mais l’analogie se limite à la géographie. Dans ces musées, il n’y a pas de rapport entre l’extérieur (souvent confié à un architecte de grand renom) et l’intérieur, selon Walsh. C’est l’inverse au MONA. L’enveloppe, signée Nonda Katsalidis, est entièrement conçue autour et à partir de la collection et des œuvres, à l’image de « Snake ». C’est aussi une manière de lier le jeu, la science du hasard qui lui est chère à l’art lui-même. La performance Boltanski résulte d’un pari. Walsh a calculé le prix de l’œuvre sur la base de son estimation de l’espérance de vie de Boltanski. Le prix de l’œuvre devait être réglé en viager sur une période de huit ans dès la signature du contrat… Un pari que Walsh a perdu. Boltanski « is alive and well and living in Paris » et… encaisse sa rente.



James Turrel, star du MONA

En plus des vignes et du cellier qui recèle les meilleurs crûs maison, le MONA contient quelques restaurants dont un gastronomique nommé « Faro », situé dans la nouvelle aile du musée appelée « Pharos ». Cette aile abrite plusieurs œuvres de James Turrel, le génial plasticien américain, dont la matière première est la lumière.



 « Unseen Seen » de James Turrel




L’une d’entre elles, « Unseen seen » est située au cœur du restaurant : une vaste sphère à l’intérieur de laquelle le spectateur est invité à se coucher avant d’être soumis à une expérience sensorielle dont il peut choisir l’intensité. Hypnotique et éprouvante ! On trouve aussi, dans cette aile, « La Divine Comédie » en version Alfredo Jarr qui emmène le spectateur en enfer à l’aide d’un plafond incandescent qui s’abat lentement sur lui.

On y trouve aussi « La Maison Blanche » de Ai Weiwei. Un mystérieux tunnel relie les galeries. A l’une de ses extrémités, une paroi d'or affiche la promesse qui résume l’esprit de ce musée pas comme les autres : « To be continued ».

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